Je suppose que les revenants aiment le présent, sinon ils ne reviendraient pas. Je suppose qu’ils sont curieux de nous et qu’ils peuvent nous aider à devenir voyants. Je suppose aussi que les revenants ne sont pas forcément méchants. Je les différencie du concept appelé fantôme, enfanté par des fantasmes d’analystes ; celui-là viendrait hanter le présent coupable, toujours coupable de l’analysant coureur de fond. Non, mes revenants sont aimables, simplement un peu critiques. Et puis ils vont à contre-courant. Ectoplasmes du présent, ils sont curieux du passé. Sans but lucratif, ils ne font pas de contrebande et ne bourrent pas leur valise de valeurs éternelles. Voyageurs du présent ils remontent le temps par infraction du passé qu’ils ne vénèrent pas.
En relisant de très vieux textes à l’occasion de la construction de ce site, j’ai eu envie de les discuter comme s’ils avaient été écrit par quelqu’un d’autre. J’ai eu envie de devenir revenante volontaire.
Avec le temps, pour devenir étranger à soi-même, nul besoin du recours à la xénophobie autoérotique. J’ai vu dans ces textes que je parlais, bien plus souvent que je ne l’imaginais, de l’étranger, de séparation, de mères aux pouvoirs magiques, de limbes où séjournent les langues pas encore apprises, de musique, leur musique, de symbioses désirables, que tout cela mélangeait les frontières, plus temporelles que spatiales. Finalement le seul réel en psychanalyse, comme ailleurs, c’est le temps.
Je voudrais rembobiner, rentrer dans le film par effraction. Enfin Hellzapoppin’. Devenir revenante par un aller simple vers le passé. Faire peur au passé plutôt que de le laisser encore et encore empoisonner le présent. L’hystérique souffre de réminiscences ? C’est la psychanalyse entière qui souffre de réminiscences ! En psychanalyse, nous travaillons un par un sur le passé afin de rendre le présent plus vivant. Cela se dit. En réalité, tel un tyran domestique, le passé reste maître, maître sournois, par une exigence affolante de fidélité. Alors plutôt que de « réminiscer » et laisser le passé envahir le présent à sa guise, je rebrousse de moi-même le chemin, j’adopte, je moleste, sans le gronder, le texte ancien, pour lui infliger l’actuel et voir s’il aurait pu pousser autrement.
Je voudrais donc reprendre quelques vieux textes, les reprendre sans modestie ni respect excessifs pour y lire l’écart dû au temps. J’essaierai de le faire dans cette rubrique « Revenants ». Si je peux. Il se peut que je n’y arrive pas. Dans ce cas la rubrique restera vide, invitation au voyage pour les autres. Mais si j’y arrive, alors on pourra jouer à construire l’utopie d’un passé voyant de l’avenir. Vaste programme ! Pas de panique, nous le savons, un programme est toujours menteur et promet plus qu’il ne peut tenir.