L’inconscient est l’air du temps
Ce que l’on disait hier , ce à quoi l’on croyait encore hier:
« L’inconscient ignore le temps » disait Freud et « l’inconscient est structuré comme le langage » disait Lacan.
Voilà les deux assertions majeures qui ont marqué notre apprentissage de la psychanalyse ! Deux vérités incontestées qu’il est temps de remettre en question.
Ils tiennent plus aujourd’hui du slogan que de certitudes théoriques que la clinique viendrait confirmer.
L’on s’aperçoit du contraire :
L’inconscient n’est pas structuré comme le langage et l’inconscient n’ignore pas le temps.
Les cliniciens soumis aux dogmes théoriques font tout pour formater leur grille d’écoute et donc d’entendement des paroles du patient. Ce préjugé ,qui est pré-jugé au sens fort du terme auquel ils ont adhéré , le plus souvent pour des raisons d’amour, lisez « transfert »,mais plus généralement encore de par leur culture dominante
les empêche d’entendre ce que les patients leur disent réellement, et ils font passer par leur préjugé les choses entendues venues du fond de l’air du temps. Leur adhérence à la génération d’avant, celle de leur analyste, ou même de l’analyste de leur analyste, les territorialise à perpette , les assigne à résidence à l’époque qui n’est plus la leur, et leur fait endosser des vérités locales et chronologiquement situés en amont du temps présent et surtout du temps de leurs analysants.
Il y a au moins trois « principes » qui délimitent un autre inconscient.
Très brièvement les voici. Je les développerai chacun en des chapitres distincts.
1)Principe de dépendance de l’inconscient au discours dominant: l’inconscient est déterminé par l’air du temps.
2) Principe de l’hétérogénéité du Surmoi dont découle le principe de conception.
3)Principe du paradoxe de la réalité : le principe de réalité ne peut ignorer les lois de la vie biologique, mais il empêche en même temps la vie libre.
D’où contradiction apparente entre « Freiheitsdrang » et « Wahrheitsdrang » Poussée de liberté et poussée de vérité.
En quoi la liberté et la vérité seraient immanents à l’être humain, et ceci dès son plus jeune âge ? A moins de distinguer vérité subjective de La vérité, et liberté en tant que sentiment de liberté qui n’est pas nécessairement relié à la liberté ( du citoyen par exemple).
Il convient ici d’introduire une condition importante : qui est l’influence de la culture sur ces poussées qui nous semblent , et qui semblaient à Freud consubstantielles à l’humain.
Est-ce que dans la culture chinoise par exemple la notion de liberté et la notion de vérité ont le même statut et la même valeur. Je ne le crois pas. Qu’il s’agisse du temps , puisque l’inconscient ne connaîtrait pas le temps, ou de la vérité, donc du statut du langage, il y a d’autres façons de les aborder.
Temps discontinu , rendu discontinu de par nos mesures, tant d’heures, tant de mois , tant d’années, mais continu en tant qu’écoulement, un devenir permanent et de ce fait un présent . Langage en tant que découpé en entités discontinues, mais dont on ignore la part continue qui le relie à la musique, la prosodie, le silence entre les présences, qui est tout sauf de l’insignifiant.
Je renvoie ici aux écrits de François Julien philosophe et sinologue ( attention à ne pas confondre avec Philippe Julien psychanalyste, rien à voir !).
Pour François Julien l’occident a crée la philosophie qui procède par élaboration de concepts, tandis que la pensée chinoise investit un champ autre, celui de la sagesse.
La philosophie occidentale s’est écartée d’après lui de la sagesse en se fixant sur la recherche du vrai. Je renvoie à la lecture de certains des ouvrages de cet auteur tels que « Un sage est sans idée » ou « les transformations silencieuses ». Il n’est pas certain que la psychanalyse doive s’inscrire exclusivement dans la pensée occidentale et donc subir les exigences de sa philosophie.
Il me semble que nous comprendrions mieux certaines transformations en analyse et par l’analyse si nous pouvions abandonner l’exclusivité des critères de vérité. Les critères de vérité permettent de penser efficacement les transformations discontinues, et ne prennent pas en compte les transformations lentes imperceptibles. Or ces transformations lentes et continues sont l’essentiel des processus psychiques . Nous essayons d’en rendre compte en des termes qui se réfèrent exclusivement aux processus discontinus.
A suivre….le 11/12/ 2010
(retrouver l’endroit où Freud parle du Wahrheitsdrang)